Il fait froid à Bernugat. Raoul trottine dans le bois. Son museau rose est gelé et ses grandes oreilles blanches sont ballotées par le vent. Il a froid et il a faim. Il aperçoit des baies rouges sur une branche et se dit :

—  Chouette, voilà de quoi me remplir le ventre.

Raoul saute et d’un bond saisit une poignée de baies qu’il avale aussitôt.

—  Berck ! c’est pas très bon !

Au bout de quelques minutes, il sent un bouillonnement dans son ventre et soudain il se met à pétarader. Des crottes jaillissent sous sa queue et fusent dans le ciel, comme des dizaines de petits boulets de canon.

Au même moment, Lilou et Tristan venus ramasser dans le bois les trésors qui jonchent le sol, pommes de pins, branchages, boules de houx et autres trouvailles pour décorer la table du réveillon de Noël, se chamaillent. Tristan veut construire un traineau en bois grandeur nature.

— Ah ! Alors, dit Lilou, je pourrais décorer ton traineau avec des pommes de pin.

—  Ah non ! c’est un traineau de bonhomme. On ne va pas commencer à mettre des licornes roses en pommes de pin.

 

Soudain, très haut au-dessus de leurs têtes …

— Reine, altimètre ?

—  3000 pieds sol, Père Noël ! On passe à la verticale de St Gildas des bois. Je me pose à Bernugat et …

— Bon sang ! C’est quoi ce raffut ? Rodolphe, tu peux jeter un coup d’œil ?

— Oui, bien sûr. Donnez-moi une minute. Houlala ! le radiateur est percé.

 

Père Noël saisit sa CiBi et lance un appel sur les ondes intergalactiques.

—  Traineau – Noël – Bravo – Charlie !  Mayday ! Mayday ! Mayday ! Sommes en perte d’altitude avec une cargaison de cadeaux.

Comme une fusée lancée à pleine vitesse, le chargement effectue des tonneaux dans un grand fracas, telle une démonstration de traineaux synchronisés.  Ho ! Ho ! Ho, sont les derniers mots que l’on entend du Père Noël.

Ralph est propulsé au loin, on ne sait où.

Rodolphe, le renne chef de bord, quant à lui glisse sans fin sur l’étang gelé de la carrière en braillant ; ses quatre pattes ridicules ne parviennent pas à le soulever.

 

Seule Reine, atterrit comme une reine, cela va de soi, sur un tapis de fougères et de mousse.

 

Tristan et Lilou, alertés par le vacarme, avancent prudemment vers la carrière. Ils trouvent au milieu du chemin, un vieil homme en survêtement rouge, coincé sous un chariot de supermarché, sa longue barbe blanche emmêlée dans les roues du chariot.